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Fumet de lectures
1 octobre 2023

Rappelez-vous votre vie effrontée de Jean Hegland.

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Le vertige d’un langage élevé.

John, 70 ans, est atteint de la maladie d’Alzheimer. Sa 4e épouse, Sally, est contrainte de le placer dans une maison médicale. Elle décide d’appeler Miranda, la fille née du premier mariage de son mari, qu’il n’a pas vue depuis des lustres à cause d’un événement regrettable.

Miranda va revoir ce père qui fut un grand universitaire, féru et spécialiste de William Shakespeare mais qui a failli dans son rôle parental.

-           Tu te souviens de moi, alors  ? 

-          « Aussi longtemps que la mémoire siègera dans ce globe détraqué » = Hamlet dans Le Songe d’une nuit d’été.

-          Mais tu ne peux pas parler comme tout le monde, s’il te plaît, au lieu de citer Shakespeare tout le temps ? Tu ne peux pas parler en ton nom ?

-          Shakespeare, dit-il avec une dignité tranquille, parle au nom de tous.

Le ton est donné. John a quitté le réel mais son monde intérieur est peuplé de tirades shakespeariennes qu’il connaît par cœur. Dans ce roman abondent des citations littéraires du dramaturge anglais (1564-1616) et moi qui n’ai jamais lu une seule œuvre de Shakespeare car je n’y comprends rien, je me retrouve médusée devant cet homme perdu qui présente verbalement une dignité de façade et qu’une soignante résume parfaitement :

-          Il dit de drôles de phrases, votre père. Parfois ça n’a pas le moindre sens, mais de temps en temps elles ont l’air bien senties… comme si ça sortait de la bible ou quelque chose comme ça.

Parfois c’est même épicé :

Un gâteux lance au seuil de la chambre du professeur un propos banal ; il se fait vite éconduire :

-          Détale de céans, peau de lutin ! va remplir une autre tombe.

Et le gâteux de rétorquer :

-          Si vous le dites. Va au diable, enculée de grosse pute

Comment la relation père/fille va-t-elle évoluer en sachant que la maladie gagne du terrain à chaque seconde ? Le lecteur attend un miracle car John, dans un éclair de lucidité, révèle à Miranda qu’il avait mis de côté une somme d’argent pour ses études mais dont elle n’a pas bénéficié. Or à présent elle en a un besoin urgent car elle entame des études tardives, coûteuses et réparatrices d’une vie chaotique.

L’éditeur Phebus : Un magnifique roman sur ce qui nous lie à ceux qu’on aime, sur le sens qu’on donne à sa vie. Et un hommage à la littérature qui accompagne l’existence, tel un soutien indéfectible. (Je confirme)

Imposant.

 

Commentaires
T
Merci pour l'info. De Jean Hegland, je n'ai lu que "Dans la forêt".<br /> <br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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