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Fumet de lectures

20 janvier 2025

La Barque de Masao d'Antoine Choplin

C'est l'histoire simple, décrite avec pudeur, des retrouvailles de Masao et de sa fille Harumi après une séparation d'une dizaine d'années. 

 

Masao est ouvrier sur l'île de Naoshima (Japon). Elle est architecte et travaille sur un projet de musée à Teshima, île voisine de Naoshima où il vit. C'est l'occasion de renouer doucement avec son père.  

 

Sa fille aimerait qu'il lui parle de sa mère, Kazue, disparue dans des circonstances dévastatrices pour Masao.  

 

Les souvenirs ressurgissent. Masao nous conte son passé, son histoire d'amour tragique, ses différents métiers.

 

Harumi, elle, persuade son père que malgré son statut d'ouvrier, il peut se rendre dans les musées , apprécier l'art, la beauté sous toutes ses formes.

 

C'est une belle histoire à l'écriture sobre et pudique, pleine de tendresse et de sensibilité.    

                                                                 Elise

12 janvier 2025

Elu domicile de Catherine Malard

Ad Parnassum, Paul Klee, 1932

 

Les Angevins férus de littérature, comme moi, connaissent bien Catherine Malard, modératrice de rencontres littéraires pour l'Association Le Bouillon-Cube. Elle est aussi autrice de plusieurs romans et nouvelles et je garde un très bon souvenir de lecture de son livre de nouvelles  "Les délaissés" (ici).

 

Ce roman, aux 13 chapitres bien orchestrés, est l'histoire de Constance, maman solo, conservatrice au Musée des Beaux-Arts, sur le point d'acquérir une maison de charme, abandonnée, style année 30, en tuffeau, en bord de Loire. Ce fut le coup de foudre et quand elle demande à la visiter, elle découvre que les anciens propriétaires l'ont quittée comme s'ils allaient revenir dans la journée. Tout est resté intact, abandonné à la poussière, meubles, objets, habits et secrets froissés. Commence alors le déchiffrage de "moult rebus que la maison avait semés sur son chemin" où "suintaient les confidences du passé". Une belle surprise attendait Constance, renforçant le fait que le sort ne manque jamais d'ironie.

 

J'ai adoré ! 

 

et j'ai retrouvé ce que j'aime chez cette écrivaine : son style, délicat, précis, à la syntaxe parfaite, avec des tournures de phrases qui font rêver (elle flirte avec la poésie), des dialogues savoureux comme l'entretien vinaigré avec sa mère ou la communication téléphonique avec le notaire. Catherine Malard est également une écologiste des mots en utilisant des mots peu usités, comme par exemple chancir, patenôtres, coquecigrue.

 

La fin, "La peinture avant toute chose", est épatante !

 

 = 2e coup de cœur de l'année 2025*

 


* je vous parlerai bientôt de mon 1er gros gros coup de cœur 2025, après avoir rencontré l'auteur qui vient à Angers en février prochain.


 

A gauche de Catherine Malard, Sebastien Pitault de la librairie Lheriau, Angers, le 9/01/2025

A gauche de Catherine Malard, Sebastien Pitault de la librairie Lheriau, Angers, le 9/01/2025

Ad Parnassum de Paul Klee, personnage principal du roman

Ad Parnassum de Paul Klee, personnage principal du roman

30 décembre 2024

Personne morale de Justine Augier

Le saviez vous ? "Le ciment est le matériau le plus produit et consommé sur terre".

 

Le cimentier Lafarge, fleuron de l'industrie française, est mis en cause devant les tribunaux pour avoir, dans la Syrie en guerre, maintenu coûte que coûte l'activité de son usine de Jalabiya jusqu'en septembre 2014.

 

Justine Augier raconte avec minutie le combat complètement dingue d'une poignée de jeunes femmes, qui "sans quête de gloire ni de fortune, sans querelle d'ego ni promesse de rétribution", ont voulu "démontrer que les éléments sont suffisamment nombreux pour que le juge décide d'ouvrir une enquête".

 

Lafarge est mis en examen pour : 
- ne pas avoir protégé les employés syriens dans la cimenterie de Jalabiya
- avoir financé (5 millions d'euros) des groupes terroristes armés, "qui ont tué, violé, massacré et torturé en Syrie"
(et si les terroristes n'avaient pas commis de crime en France, jamais cette histoire n'aurait eu un tel écho) 
- complicité de crime contre l'humanité.

 

Avant d'en arriver à cette victoire, que les dirigeants de Lafarge répondent de leurs agissements révoltants, désespérants et impensables, 19 avocats de la défense, tous des hommes, ont tenté de tout compliquer, de rendre l'histoire illisible, d'acheter des silences, en vain.

 

Et pour une fois, "ce n'est pas la richesse qui a gagné mais les arguments et le travail de ces filles", avocates, juristes et stagiaires.


Si j'avais lu ce récit palpitant à sa sortie, en septembre 2024, je l'aurais lu sous un autre angle puisqu'entre temps, le 8/12/2024, a eu lieu la chute du régime syrien. Et quand Justine Augier mentionne qu'en février 2011, pendant le printemps arabe, il est écrit  sur le mur d'une école "C'est bientôt ton tour", je me dis que ce fut bien long.

 

Le procès aura lieu en 2025.
 

20 décembre 2024

La Sage-Femme d'Auschwitz d'Anna Stuart

Cette histoire est inspirée de celle d'une sage-femme polonaise, emprisonnée dans le camp de concentration d'Auschwitz, qui fit naître plus de 3 000 bébés, d'avril 1943 à janvier 1945. Il s'agit de Stanisława Leszczyńska, née le 8 mai 1896 à Łódź (Pologne) et morte le 11 mars 1974.

 
 
Deux femmes, deux Polonaises, une juive, une chrétienne, sont déportées à Auschwitz-Birkenau où elles vont survivre à l'enfer durant environ deux ans dans le bloc 24; elles vont aider près de trois mille femmes à accoucher et tenter de redonner une dimension d'espoir à ce camp de la mort.  
Elles mettront au monde pas loin de 3000 enfants dans un lieu où la mort rôde à la merci des tortionnaires, Kapo ou SS.
 
Les rats, les poux, le typhus, la tuberculose, les privations, la mort, rien n'arrêtera ces femmes dans la mission qu'elles se sont donnée. Donner la vie dans un mouroir.
Difficile de sauver ces bébés, qui, à peine nés, sont soit tués, soit donnés à des familles allemandes s'ils semblent être de la "race supérieure" .
 
Dans le plus grand secret, elles décideront de tatouer les petits avec les numéros de déportées de leur mère afin qu'ils puissent, plus tard, être retrouvés par leur famille.
 
C'est un récit fort, extrêmement bien écrit, bien documenté. Une histoire poignante, émouvante.
 
L'auteure souligne son travail de recherche colossal qu'elle explique en fin de lecture grâce à des notes très intéressantes.
 
Elise
 
15 décembre 2024

Camus chez les Justes - Le Chambon-sur-Lignon 1942-1943 ; Collectif dirigé par Anne Prouteau

En général je vais à la rencontre d'un auteur que j'aime pour savourer dans ses paroles ce que j'ai lu auparavant. Cette fois, ce fut l'inverse, j'ai été écouter Anne Prouteau et j'ai eu envie de lire l'ouvrage en question sur Camus. Bien m'en a pris car j'ai apprécié retrouver des bribes de ses explications dans cet essai littéraire.

 

Albert Camus est allé soigner sa tuberculose sur le haut plateau du Chambon-sur-Lignon qui cacha des milliers de Juifs et sera déclaré "Juste parmi les nations".

 


En étudiant carnets, correspondances, mémoires, journaux, notes, documents, onze intellectuels ont passé au peigne fin ces 14 mois d'exil où Camus dit "s'être ennuyé ferme, avec pour seule occupation la pêche, la cueillette des champignons et l'écriture". C'est là qu'il rédigera une partie de La Peste, son premier grand succès.

 

Je n'ai pas lu Camus depuis le lycée et j'ai aimé le retrouver à travers ces analyses, toutes brillantes, perçantes et parfois mystérieuses ou métaphysiques. Des dessins et des photos enrichissent les propos. Par exemple, page 63, sur la photocopie de la carte d'identité d'Albert Camus (alias Albert Mathé), on apprend qu'il avait les yeux gris verts et qu'il mesurait 1,76 m.

 

Le paragraphe intitulé "Résonnances poétiques" est de toute beauté.
"Albert Camus n'a pas seulement su conjuguer soleil et pauvreté, il a aussi su nous bouleverser : chacun des vocables employés par lui nous magnétise".

 

Et pour finir l'analyse de Sylvie Germain à la fin du volume m'a éblouie. Elle rappelle à propos du regain d'intérêt de La Peste pendant la pandémie Covid "la puissance et la nécessité de la littérature".

 

Edifiant.
 

Anne Prouteau, Présidente de la Société des études camusiennes

Anne Prouteau, Présidente de la Société des études camusiennes

2 fidèles abonnées de "Fumet de lectures"

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Je vous laisse deviner qui est à côté d'Anne Prouteau.

Je vous laisse deviner qui est à côté d'Anne Prouteau.

14 décembre 2024

Mille milliards de rubans de Loïc Prigent

La vraie histoire de la mode. (1855-1913)

De la crinoline dès 1855 (une cage), en passant par le corset, serré à fond, ou la traîne qui ramasse la boue et les détritus, ce qui revient à ni respirer, ni reculer, aux matières souples, extensibles de Chanel en 1913, on revient de loin en matière d'habits, nous les femmes.

 

Loïc Prigent n'omet pas de rappeler que les femmes devaient demander une dérogation à la préfecture pour porter un pantalon. La maîtresse de Napoléon III obtint ce privilège pour lui permettre de se faufiler plus vite jusqu'aux appartements de l'empereur.

 

La mode masculine évolue peu, si ce n'est "le haut de forme, avec sa structure invraisemblable, l'équivalent de la crinoline".

 

Une avalanche de froufrous dans cet opuscule, drôle, insolent et

 

instructif.

Mille milliards de rubans de Loïc Prigent
Mille milliards de rubans de Loïc Prigent
Mille milliards de rubans de Loïc Prigent
Mille milliards de rubans de Loïc Prigent
Rosa Bonheur fut aussi une des rares femmes à détenir sa dérogation.

Rosa Bonheur fut aussi une des rares femmes à détenir sa dérogation.

12 décembre 2024

La ballerine de Kiev de Stéphanie Perez

Danser pour résister.

22/02/2022, La Russie envahit l'Ukraine. Sveta et Dima, époux et danseurs étoiles, dansent ensemble pour la dernière fois. Mais ils ne le savent pas. S'ensuivent 300 jours d'horreur avec comme antidote "l'art qui prouve que, avant d'être capable du pire, l'homme est aussi capable du meilleur".

 

Pour preuve,

Dima, qui s'est engagé dans l'armée, doit apprivoiser la précarité et la mort. Il ne s'habitue pas à cette boucherie, aux cris de douleur, à la pluie d'acier, aux corps des femmes violées, brûlées, aux champs gorgés de sang, aux boyaux éclatés, lui qui défiait la pesanteur et qui marchait sur l'air.

 

Sveta, avant de devenir un cygne noir, danse sous les bombes "comme si le bonheur de l'humanité en dépendait", fait corps face à la guerre pour résister et laisser place à la grâce et à la force pour donner sens à la vie.

 

Yarolav fait pleurer son violon.

 

Sacha écoute dans sa tête la musique de Tchaïkovski pour se maintenir vivant.

 

Chacun cherche des issues pour remonter à la surface de l'humanité.

 

Lu d'une traite, commencé le matin et fini le soir, scotchée à ce roman

 

tragique.

8 décembre 2024

Le journal de Clémentine de Clémentine Vergnaud

La vie est une loterie.
Clémentine, journaliste, est morte d'un cancer rare et agressif à l'âge de 31 ans.


Son mari publie son journal, écrit durant les 18 mois qu'ont duré l'enfer de la maladie, incurable, puisque Clémentine avait à cœur de laisser une trace. Son récit est déchirant, poignant et précieux car il nous aide à comprendre ce qu'une personne, jeune de surcroit, ressent à l'aube de la mort. 

 

Je vous laisse lire son journal qui décrit sa lourde souffrance, ses doutes, ses espoirs, ses effondrements, l'univers hospitalier et ses rapports avec autrui.

 

Je m'attarderai sur un chapitre où Clémentine supplie les proches de ne pas prononcer les mots que nous prononçons souvent : "tu vas t'en sortir", "tu es une battante" car étant non guérissable, cela la heurte énormément.
En revanche, ce qui l'apaise beaucoup, c'est lorsqu'on lui dit "Je suis là, si t'as besoin, je suis là, tu m'appelles, à n'importe quel moment je suis là, je suis à tes côtés, parce que ce qui fait le plus peur dans la maladie, c'est que les gens s'en aillent, que les gens craignent trop la souffrance et ne restent plus".

 

Et confirme qu'arrivée à la fin de vie  "j'ai eu beaucoup de chance d'être entourée de mes proches", de pouvoir dire à son père "papa, j'ai peur" (de mourir) et son père a répondu "moi aussi j'ai peur. Ce n'est pas grand-chose. Sa main, ma main dans la sienne… Rien que ça. Savoir que les autres sont à côté quoiqu'il arrive. Cela me fait énormément de bien." 

 

"Prise par la main" est la dernière ligne du récit.

 

Merci Clémentine pour ce témoignage qui martèle que la vie est une loterie mais avoir affaire à un médecin compétent, à l'écoute, est aussi une loterie. En effet, vous racontez que vous avez perdu 3 semaines dans votre traitement à cause d'un médecin qui vous diagnostiquait une déchirure musculaire, suite à vos douleurs insoutenables, alors que des métastases étaient déjà en route.

 

A lire.
 

29 novembre 2024

Madelaine avant l'aube de Sandrine Collette. Prix Goncourt des Lycéens 2024

 

Une fois de plus, saluons la liberté et l’audace des lycéens qui ont décerné leur Prix 2024 à Sandrine Collette pour Madelaine avant l’aube .


 

L’histoire d’une petite fille sauvage qui arrive de nulle part dans un bourg éloigné de tout et hors du temps.

Adoptée par un couple sans enfant, elle bouleverse la routine des villageois qui vivent durement au rythme des saisons et sous le joug d’un seigneur sanguinaire. 

 

Madelaine ouvre les cœurs de ces femmes et de ces hommes dont les sentiments sont verrouillés par la dureté de la vie, les famines et les deuils. Elle les réconcilie avec eux-mêmes et avec leur dignité.

 

Sandrine Collette, venue du roman noir, sait de façon très personnelle parler de l’animalité, du combat pour survivre et des liens familiaux.

 

Son écriture sensorielle et poétique évoque la nature, la valse des saisons, la solitude mais aussi la fraternité avec beaucoup de talent.

 

Quant à la jeunesse révoltée de Madelaine qui veut casser les codes, elle n’est pas étrangère à ce Prix.
 

A lire et pourquoi pas à mettre sous le sapin
Isabelle 


  
 

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