Marcher jusqu’au soir de Lydie Salvayre

Pas trop convaincue au départ, l’auteur accepte de se laisser enfermer une nuit dans le musée Picasso. Une idée d’éditeur… Le but étant d’écrire sur les émotions, sensations et autres impressions ressenties. Mais une fois installée sur son lit de camp, c’est la cata. Encéphalogramme plat devant les œuvres et dégoût de ces lieux bourgeois de l’entre soi, aseptisés, où la souffrance de la création est absente.

Pourtant pas traumatisée par le feuilleton Belphégor qui a fait cauchemarder toute une génération, l’auteur flippe. Elle finit par appeler son Bernard et se défoule au téléphone sur lui en discourant sur l’Art avec un grand A et sur ce monde qui définit l’être par l’avoir et la beauté par son prix.

 Même si l’Homme qui marche de Giacometti fait partie de son Panthéon. Là en sa présence, elle ne ressent rien ! Au petit matin elle sort enfin de ce lieu étouffant et choisit d’écrire sur le sculpteur. Elle admire sa « modestie », son goût des autres et leur visage, son perfectionnisme et son côté artiste pauvre jusqu’au bout malgré le succès. Mais page 176, coup de théâtre. Tout se débloque. L’homme qui marche force la porte de sa maison intérieure. Ses origines modestes, ses souffrances d’enfant, la maladie, la vie, la mort. Tout déboule et se fracasse.

Lydie Salvayre, après l’émouvant Pas pleurer sur les dégâts du franquisme, que je conseille vivement, est une fois de plus là où on ne l’attend pas. De ce livre de commande, elle tire un récit déroutant, à contre-courant des idées reçues sur l’Art et une « confession » qui nous bouleverse. Le style est toujours entre académisme et parler vrai argotique. On adore !

 Isabelle

Pour aller plus loin, l'interview de Lydie Salvayre par François Busnel : 

Lydie Salvaire questionne le milieu artistique et ses institutions avec « Marcher jusqu’au soir »