Si rude soit le début - Javier Marias
Juan de Vere, le narrateur, se remémore ce qu’il lui est arrivé une vingtaine d’années plus tôt. Alors tout juste sorti de l’université, il devient le secrétaire particulier d’Édouardo Muriel, cinéaste. Pour des raisons pratiques ce dernier l'installe dans l’appartement où il vit avec sa femme Béatrix et ses 3 enfants. Une nuit il surprend le couple qui se déchire. Témoin involontaire il devient le voyeur d’une scène de ménage où son employeur humilie sa femme avec des propos outrageants et un comportement odieux. Juan cherche alors à percer le secret qui mine ce mariage jusqu’au désastre.
Dans le même temps le cinéaste demande à son jeune employé d’enquêter sur le docteur Van Vechten, pédiatre reconnu, ami de longue date et sur lequel il a appris que celui-ci "n’a pas toujours été tel qu’il est à présent, pas tel qu’on l’a connu, ni tel qu’il a toujours cru qu’il était". Des soupçons graves pèsent sur lui.
Début 1980 l’Espagne est entrée dans un processus de transition démocratique depuis la mort de franco. C’est la movida, la jeunesse espagnole aspire à la liberté, au renouveau culturel. Muriel peut librement exercer son métier et Juan faire la fête le soir.
Mais la guerre n’est pas loin et la loi d’amnistie de 1977 ne signifie pas amnésie. La confiance est entachée des trahisons du passé. La suspicion omniprésente.
Les thèmes abordés sont universels l’amour et la haine, la trahison, l’amitié, l’impossible pardon, la tentative de l’oubli, l’importance qu’on accorde aux événements...
L’étude et l’histoire du couple de Muriel et Béatrix interpellent le lecteur, pique sa curiosité jusqu'à faire naître un sentiment de trouble. J’aime particulièrement les longues digressions méditatives propres au style de Javier Marias, m’enliser dans l’épaisseur de ses phrases. Elles soulèvent les questions qui sillonnent les chemins capricieux, complexes et ambiguës de l’âme. J’ai moins goûté l’intrigue du docteur Van Vechten, plus convenue, mais apprécié la description psychologique du personnage.
Juan de verre fait, avec recul, une analyse lucide de son apprentissage de la vie, des personnages qui l’accompagnent, du temps qui passe... la langue est riche, sensuelle et nostalgique.
Brigitte