Bilqiis – Saphia Azzeddine
« Vous priez encore Dieu ?
– Bien sûr. Pourquoi ne le ferais-je pas ?
– Eh bien, il me semble qu’Il vous a abandonnée ces derniers temps.
– Allah ne m’a jamais abandonnée, c’est nous qui l’avons semé.
Bilqiis, héroïne de ce roman, risque la mort par lapidation. Elle a commis le « crime » de monter au minaret pour proclamer l’appel à la prière à sa façon. « C’est une femme indocile dans un pays où il vaut mieux être n’importe quoi d’autre et si possible un volatile ». Qui plus est, elle possède des courgettes et des aubergines entières dans son frigo et autres objets interdits qui la détournent de Dieu. Aucune circonstance atténuante pour cette effrontée qui provoque à son procès l’ire du village tout entier en défiant avec des paroles assassines cette assemblée bien-pensante.
Tout l’intérêt du roman repose sur le jugement des trois personnages principaux :
- Bilqiis obstinée revendique son acte, affirme l’illégitimité des accusations sexistes en se réclamant des lois divines. Elle défie le juge qu’elle renvoie dans ses cordes, bouscule sans ménagement une journaliste qui prend fait et cause pour empêcher cet acte barbare.
- Le juge qui tente de repousser la sentence en faisant durer le procès. Enfermé dans les carcans d’une discipline religieuse extrémiste que ses aspirations d’homme libre déverrouillent peu à peu. L'ambiguïté de la relation qu'il entretient avec l'accusé met à jour ses frustrations.
- Léandra déterminée, reporter de presse américaine. Elle est parachutée volontairement dans ce pays dont elle ne connaît pas les codes. Vient-elle réaliser un scoop, sauver Bilqiis –qui ne demande rien- ? Quel but poursuit-elle au juste ? Souhaite-t-elle informer, alimenter une curiosité malsaine, se donner bonne conscience ?
Saphia Azzedine a trempé sa plume dans l’acide pour amener une réflexion passionnante et clairvoyante sur un sujet très sensible avec un style « lapidaire ».
Brigitte